Depuis son premier long métrage (La meilleure façon de marcher, 1976) jusqu’à son dernier (Thérèse D.) qui sortira sur les écrans à la fin de l’année, la filmographie de Claude Miller a été abondante (dix-sept films en tout) et riche d’œuvres de grande qualité même si le cinéaste, comme beaucoup d’autres, a connu des échecs commerciaux et artistiques (v. J.-M. Frodon, Le cinéma français. De la nouvelle vague à nos jours, Cahiers du cinéma, 2010, spéc. p. 790).
C’est d’ailleurs après un tel échec faisant suite à Dites-lui que je l’aime (1977) que Claude Miller tournera ce qui constitue sans aucun doute son chef-d’œuvre : Garde à vue (1981). Ce film est un huis clos (v. Le huis clos judiciaire au cinéma, A. de Luget et M. Flores-Lonjou (dir.), Ed. Geste, 2010) se déroulant dans un commissariat la nuit du réveillon du 31 au cours de laquelle un notaire (Michel Serrault) est placé en garde à vue par un policier (Lino Ventura) à la suite du viol et du meurtre de deux fillettes. Le notaire, à bout de force et de nerfs, avoue les crimes dont la scène finale nous apprend qu’il est innocent. Au petit matin il sort donc libre du commissariat, l’action publique ne sera pas mise en mouvement, mais son épouse (Romy Schneider) s’est suicidée… Ou comment dénoncer la garde à vue de l’époque (qui se déroulait sans l’assistance d’un avocat) et le culte de l’aveu (film qui évoque également l’affaire Bruay-en Artois en 1972 : v. Ch. Guéry, Justices à l’écran, PUF, coll. questions judiciaires, 2007, spéc. p. 16).
Pour la première fois dans l’histoire du cinéma français, la garde à vue était montrée de bout en bout, elle était le sujet principal d’une fiction cinématographique. Cette dernière a précédé la réalité, la caméra ayant fait son entrée dans les locaux des services de police judiciaire aux fins d’enregistrement audiovisuel des gardes à vue depuis la loi du 15 juin 2000 pour ce qui concerne les mineurs (art. 4 de l’ordonnance du 2 fév. 1945) ; et depuis la loi du 5 mars 2007 en matière criminelle (art. 64-1 du Code de procédure pénale), y compris en matière de criminalité et de délinquance organisées (v. en ce sens la décision du Conseil constitutionnel du 6 avril 2012, n° 2012, 228/229, QPC).
Les thèmes récurrents de l’œuvre de Claude Miller sont la justice à travers sa procédure (Garde à vue) et des faits divers réels (Garde à vue, Thèrèse D., adaptée du roman de François Mauriac, est inspirée de l’affaire Canaby en 1905) ou imaginaires (Dites-lui que je l’aime ; Mortelle randonnée, 1983 ; La classe de neige, 1998, adapté du roman d’Emmanuel Carrère).
Ce sont également les échecs et drames conjugaux (Dites-lui que je l’aime ; Garde à vue ; Mortelle randonnée).
Ce sont aussi l’adolescence et la jeunesse (v. L’enfant, le droit et le cinéma, A. de Luget, M. Flores-Lonjou (dir.), PUR, coll. L’univers des normes, 2012), traversées par des crises et des malheurs de tous ordres : La meilleure façon de marcher ; Dites-lui que je l’aime ; La classe de neige ; L’effrontée (1985) ; La petite voleuse (1988) ; L’accompagnatrice (1992) ; La petite Lili (2003) ; Un secret (2007) ; Marching band (2009) ; Je suis heureux que ma mère soit vivante (2009).
Nous parlerons à nouveau de Claude Miller lorsque sortira Thérèse D.
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