Cette année je suis resté dans l’univers de Howard Hawks, placé donc sous le signe du divertissement. Des films d’aventure, des comédies, des westerns mais chaque film estampillé « Hawks ». Les dialogues qui fusent, les scènes menées tambour battant et des acteurs qui crèvent l’écran : George Raft, Cary Grant, Jean Arthur, Ann Sheridan, Lauren Bacall et Humphrey Bogart, et tant d’autres. On ne s’ennuie jamais avec les films de Hawks !

Comment ne pas mentionner Scarface/Scarface: Shame of a Nation (E.-U., 1932), LE modèle du genre qui met en scène la vie d’un gangster, Tony Camonte, qui ressemble étrangement à celle d’Al Capone, un fils d’immigré italien qui souffrait de syphilis mais qui a régné pendant 7 ans sur la mafia de Chicago (http://en.wikipedia.org/wiki/Al_Capone ). Le film est très sombre (on dirait que les gangsters sont comme Dracula, ils craignent la lumière !) mais il y a également de l’humour – noir ! Le film raconte l’histoire de l’ascension fulgurante d’un petit malfrat d’une ambition démesurée qui frise la folie. La scène de la fin, où Camonte est tué par balles par une armée de policiers, a été rejouée dans la rue par des milliers de petits garçons dans le monde entier !

J’ai revu Le Grand Sommeil/The Big Sleep (E.-U., 1946) avec le couple Bogart/Bacall au sommet de leur art – et j’ai enfin compris ! Mais si, mais si ! Ceci dit, je ne voudrais pas vous gâcher le plaisir donc pas de « spoilers » ici !!
Un film qui m’a vraiment surpris et que j’ai trouvé à la fois très moderne et très drôle, c’est I was a male war bride/Allez Coucher Ailleurs (E.-U., 1949). C’est l’histoire (basée sur une histoire réelle !) d’un Capitaine français (Cary Grant) et d’une américaine, lieutenant dans l’armée des yankees (l’excellente Ann Sheridan). Obligés de travaillé ensemble alors qu’ils ne s’apprécient guère, ils finissent par tomber amoureux. Mais nous sommes en 1942, c’est la guerre et notre lieutenant doit regagner les Etats Unis – c’est un ordre ! La seule façon pour les amoureux de rester ensemble c’est de profiter de la War Bride Act qui permet aux épouses des soldats américains d’obtenir un visa pour accompagner leurs maris aux Etats-Unis. Grant est même obligé de se déguiser en femme pour monter à bord du bateau qui va les transporter à New York, une séquence restée dans les mémoires. Malgré les nombreuses maladies dont les acteurs, et même Hawks, ont été victimes (http://www.tcm.turner.com/this-month/article/12760%7C0/I-Was-a-Male-War-Bride.html), le film est une belle réussite. L’entente parfaite entre Grant et Sheridan créé une chimie qui provoque un feu d’artifice de gags et de bons mots – c’est un régal !
The Big Sky/La Captive aux yeux clairs (E.-U., 1952) est un film surprenant dans la mesure où l’on est habitué chez Hawks à un rythme plus frénétique ; ici, le long de la rivière Missouri, le temps s’écoule lentement.

Le film raconte l’histoire d’un voyage en bateau le long du Missouri jusqu’au territoire des indiens de la tribu des Pieds Noirs, l’objectif étant d’être les premiers à mettre en place le commerce des fourrures dans ces contrées. Tout est magnifiquement photographié et par moment on a l’impression de regarder un documentaire sur les pionniers. L’histoire tourne autour de quelques personnages clés : les deux amis, Jim Deakin et Boone Caudhill, joués respectivement par Kirk Douglas et Dewey Martin ; le vieil homme de la frontière Zeb Calloway (Arthur Hunnicutt, qui crève l’écran) ; Teal Eye, une princesse Blackfoot séduisante qui est leur otage (Elizabeth Threatt, dont c’est l’unique film (http://fr.wikipedia.org/wiki/Elizabeth_Threatt) ; et Jourdonnais (Henri Ledontal), capitaine français du bateau amenant tout ce beau monde vers la frontière du monde connu. D’ailleurs l’équipage du bateau est également français et les francophones peuvent se réjouir d’entendre leur langue parlée et chantée tout au long du film !
Thème récurrent chez Hawks, une amitié forte existe entre Deakin et Caudhill ; leur rivalité pour les faveurs de la princesse, un personnage au tempérament trempé dans l’acier, ne la brisera pas. Des plans larges montrent toute la splendeur des paysages et l’importance de la solidarité du groupe pour la survie dans ces conditions extrêmes est soulignée. Il y a des scènes mémorables, comme celle où les deux amis se saoulent dans un bar et chantent « Whisky, leave me alone » (whisky laisse-moi tranquille), ou encore celle où on doit amputer un doigt à Deacon, mais il faut d’abord le saouler…
Certes, le film a ses faiblesses (V. R. Woods, Howard Hawks, Detroit, Wayne State University Press, 2006). Hawks est peut-être resté à mi-chemin entre l’envie d’un côté de montrer la vie à cette époque, l’importance de l’amitié entre les membres de l’équipage, la grandeur des paysages, et de l’autre de raconter l’histoire d’un amour à trois entre Teal Eye et ses deux prétendants. Néanmoins le film réussit à nous transporter le long du Missouri et à nous faire partager la vie de ces pionniers (Fifty Years After The Big Sky: New Perspectives on the Fiction and Films of A.B. Guthrie Jr, Ed. by William E. Farr & William W. Bevis, Helena : Montana Historical Society Press, 2001, p. 80).
Je ne pourrais pas clore ce petit billet sans parler de Rio Bravo (E.-U., 1959). On a évidemment beaucoup écrit sur ce film, et surtout sur le fait que, de l’aveu de Hawks lui-même, il a été conçu comme l’antithèse du film de Fred Zinnemann High Noon (E.-U., 1952), que Hawks et l’acteur John Wayne détestaient ( http://www.rogerebert.com/reviews/rio-bravo-1959 ).
Le film parle encore une fois d’amitié, de loyauté, de courage et d’amour. Il est à la fois drôle, tendre et violent. John Wayne, Dean Martin et Ricky Nelson jouent les rôles principaux, Walter Brennan est au sommet de son art, et la magnifique Angie Dickinson incarne une femme de tempérament qui a dû se débrouiller dans la vie – l’exact contraire du rôle joué par Grace Kelly dans High Noon (http://en.wikipedia.org/wiki/High_Noon). Les liens presque familiaux entre les protagonistes sont richement décrits et le film prend le temps d’approfondir le caractère des personnages, ce que Hawks réussit à mieux faire que dans The Big Sky. On est happé par le film, par l’intrigue, et les acteurs sont tous inoubliables. Ce film a influencé des metteurs en scène comme Martin Scorcese, John Carpenter (http://en.wikipedia.org/wiki/Howard_Hawks) et même Jean-Luc Godard (http://www.newyorker.com/culture/richard-brody/hawks-and-godard-and-contempt et il fait partie des films préférés de Quentin Tarantino. En le voyant de nouveau au FIFLR il n’est pas difficile de comprendre pourquoi !
Frank Healy
Maître de conférences en anglais, CIEL, Université de La Rochelle
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