Dans l'énorme moisson des films sortis en mars (15 à 18 chaque mercredi : c'est trop), deux films ont retenu mon attention : Hyde Park on Hudson (en français Week-end royal) de Roger Mittchell (Grande-Bretagne, 2012) et Quartet, dû à Dustin Hoffman (Grande-Bretagne, 2012).
Le premier, Week-end
royal, pour lequel il y eut un grand battage et dont la bande annonce
était alléchante, se situe en 1939 dans les allées du pouvoir, lors du 3ème
mandat de F.D. Roosevelt. Ce dernier est dépeint dans son intimité, coincé
entre sa mère abusive, son épouse Eléonor, différente, agaçante mais judicieuse
souvent, et ses secrétaires qui l'aident à surmonter le spleen dû à son handicap,
tout comme le Bourbon. On comprend assez vite que le grand homme a besoin d'une
petite branlette de temps à autres et qu'infirmité ne veut pas dire absence de
libido. Au milieu de toute cette volaille et des urgentes affaires d'Etat (la
guerre menace en Europe), seule sa douce cousine l'apaise et lui donne quelque
vrai plaisir. Il s'agit de Laura Linley, si jolie, parfaite dans son rôle de
bécasse, mais qui ne doit pas être si oie blanche que cela et doit posséder une
certaine dextérité. On a droit à des promenades en décapotable (est ce le cas
?), dans la campagne, au milieu des fougères et – espérons-le - loin des gardes
du corps présidentiel. La reconstitution des années 30 est somptueuse, les
paysages et les costumes très beaux. Mais cela baigne dans la trivialité et le lourdingue.
Là dessus arrivent
le couple George VI et Elisabeth, très britanniques, très royaux, un peu empaillés,
venus plaider la cause de l'Angleterre dans l'imminente guerre qui se prépare.
Ils sont carrément caricaturés, mais on ne peut qu'avoir de la commisération
pour eux d'être tombés en face d'un Bill Murray qui en fait des tonnes et de ce
harem déjanté.
Je me demande d'ailleurs pourquoi le cinéma s'acharne autant sur les Windsor :
Après The Queen (Stephen Frears, Italie, France, G.-B., 2006) et
autres fariboles décrivant la vilaine reine face à cette bonne Di, on a eu Le
discours d'un roi/The king’s speech (Tom Hooper, G.-B., 2010)
rappelant la triste enfance et les difficultés oratoires de George VI et
maintenant ce détour vers Washington...
Par hasard, ce film a été programmé la même semaine qu'un beau documentaire sur Arte, en noir et blanc, relatif à la présence de Roosevelt à Yalta pour préparer la paix : on y voit un bel homme émacié, au regard pâle et lointain déjà, qui sourit doucement dans son fauteuil et refuse les photographes lorsqu'on doit le porter... Il est digne, un peu triste mais obstinément attaché à bien finir le boulot. On a presque honte alors de se souvenir des turpitudes étalées du Hyde Park des Amériques.
Quartet, ou "la rédemption par les vocalises" est un film de vieux, pour les vieux, fait par un vieux. Il y en a plein comme cela maintenant, parce que les plus de 65 ans sont allés toute leur vie au cinéma et continuent d'y aller tant qu'ils n'ont pas de col du fémur, d'Alzeimer, de cataracte ou de macula... C'est très bien fait et Hoffman s'est judicieusement adjoint un excellent photographe. Cela rappelle The Best Exotic Marigold Hotel/Indian Palace (Grande-Bretagne, 2011) et repose la même question : que faire de soi lorsque la société ne veut plus de vous ? Quelques vieilles belles voix décident de chanter ensemble, non sans difficultés, mais triomphent à la fin. On sort son mouchoir. Maggie Smith ne chante plus dans Sister Act (d’Emile Ardolino, E.-U., 1992), et Tom Courtenay ne fréquente plus le vilain nazi O'Toole (The Night of The Generals/La nuit des généraux d’Anatole Litvak, France, G.-B., 1967). On passe un agréable moment, une fois de plus dans la verdure et c'est très bien mené avec un bon rythme. Attendons le second opus du génial acteur....
Mon mauvais goût reprend toujours le dessus, et je suis comme Jolly Jumper : je ne vais pas au cinoche pour me prendre la tête entre les sabots et réfléchir au triste état du monde : la Télé suffit pour cela. Sous cet angle, deux films m'ont enchantée et fait beaucoup rire : 7 Psychopathes/Seven Psychopaths (de Martin McDonagh, G.-B., 2012) avec Colin Farrell (ça y est, je suis réconciliée avec lui), Sam Rockwell et surtout un Christopher Walken époustouflant. Ce film complètement déjanté a été massacré par la critique et a très vite disparu des écrans : il est tellement américains et insolent. Il s'agit de la rencontre d'un voyou à la retraite (Walken) qui arrondit ses fins de mois en volant les chiens des riches (les riches sont encore utiles !) afin de toucher la récompense, et d'un auteur de romans policiers en mal d'inspiration : le premier propose au second, après quelques godets, de lui faire rencontrer de vrais tueurs pour qu'il s'en inspire... Le chien dérobé et les tueurs font un méli-mélo inouï, où tout le monde cavale dans tous les sens. A la fin des tas de cadavres gisent sur la route, mais tout le monde s'en fout, à commencer par les flics... Cela soulage de voir tant de violence prise avec autant de désinvolture... Peut-être préfiguration de ce qui nous attend ?
Le second c'est Vive la France de et avec Michaël Youn (France, 2012) et José Garcia : c'est lourdingue (mais pas plus que Hyde Park etc...) gros, gras et bête, mais j'ai beaucoup ri, surtout au début. Au bout de 25 minutes ça s'enlise carrément et on voit trop Isabelle Furano qui en fait trop et se déshabille trop. Sorte de film à sketches assez critiques, les deux premiers sur la Corse et Marseille sont épatants : tous les tics locaux y sont répertoriés. Et savoir qu'on peut se faire tabasser à Marseille parce que l'on porte un maillot du PSG est très rassurant.
Françoise Thibaut,
Correspondante de l'Institut
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