Daniel Craig ressemble à Vladimir Poutine ; ce Bond pâlot a été tiré de son modeste bureau sur cour, son chef lui a collé un flingue dans la main à la place de son agrafeuse, et lui a ordonné de courir le plus vite qu’il pouvait, opportunément fringué par Hugo Boss et chaussé de Berluti. Les accessoires le sauvent. Alors que son prestigieux homologue ex-soviétique fait toujours face à la caméra lors de ses nombreux exploits physico-médiatiques, lui est toujours filmé plus ou moins de dos, de loin, dans une bouillie d’images habilement montées et mixées, mêlant quelques gros plans où il transpire, sans doute aromatisé à Terre d’Hermès. Bref, le dernier opus, celui du cinquantenaire, Skyfall (Etat-Unis/Royaume-Uni, 2012), est très ennuyeux ; on n’y croit pas un seul instant. Sam Mendès ne démérite pas, c’est très bien fait, mais ça explose trop pour rien, et relève d’une mentalité qui date de la post-guerre froide. Enfin, ultime avatar : Graig n’a rien d’un tombeur ; il a autant de sex-appeal qu’un gratin d’endives. Shrek se débrouille mieux ; rien à voir avec l’explosif Connery et le rutilant Moore qui s’amusaient bien. Là, visiblement, baiser l’ennuie : les filles apparaissent brièvement, disparaissent encore plus vite, il les expédie en vitesse pour faire plaisir au scénario, tel un lapin. Enfin, décollant complètement du Fleming original, les scénaristes lui ont refilé de traumatiques souvenirs d‘enfance, ce qui présage d’un avenir florissant chez les psys londoniens. Bref, c’est brouillon, trop long, malgré les ruses de Xavier Bardem. La seule bonne idée de l’ultime séquence écossaise (qui arrive là comme un cheval dans le potage) est de s’être enfin débarrassé de Judy Dench en « M » : elle y était très mauvaise, elle jouait faux avec ses cheveux coupés ras et son ton faussement coupant : le film immole l’Aston Martin (zut, alors !) et cette immense actrice fourvoyée dans ce contre emploi démoralisant : on pense à la magnifique Madame Henderson ou aux amusantes Dames de Cornouailles pour ne citer qu’eux. Le prochain « M » devrait être, si on a tout compris, le fier Ralph Fienes : cette re-masculinisation semble un bon argument : enfin un homme ! Mais il a tout de même l’air un brin fatigué, même si toutes les femmes ont rêvé de claquer dans n’importe quel désert avec Le patient anglais (Anthony Minghella, Etats-Unis, 1996)… Enfin, attendons…
Le second avatar 2012 est ce magique et
magnifique N° 5 Chanel vanté par un Brad Pitt qui semble sortir d’une poubelle,
l’œil terne, le cheveu pendouillard, débitant des trucs inintelligibles d’une
voix éreintée : il donne à peu près autant envie de se parfumer au N° 5 qu’au
jus de hareng… Mister Pitt a le cheveu gras, semble-t-il, ou alors, son
coiffeur s’est trompé de casting : on l’avait demandé pour un doc. sur Terre
Neuve… Quel gâchis de fric et d’arguments ! Ce parfum n’a besoin de rien : Il a
Marilyn depuis plus d’un demi siècle et les femmes l’adorent (les hommes, les
vrais, aussi).
Que nous reste-t-il ? Il y a cet imperturbable Clooney, à peu près aussi expressif qu’un colin surgelé. Il est pas mal, certes, mais froid comme un extra terrestre et ne s’anime un peu que lorsqu’il attend son faux café. « Il peut tout jouer » dit la critique admirative. Bien sûr ! Il peut tout jouer, car il ne joue jamais rien : il n’exprime à peu près rien. Je me souviens de The American (Anton Corbijn, Etats-Unis, 1996) avec ses magnifiques paysages italiens : c’était un film passionnant dans lequel Clooney passait près de 2 heures d’écran à ouvrir et fermer des portières de voiture, visait au fusil à lunette sur tout ce qui bougeait et sautait des filles interchangeables sans aucune émotion. A la fin il était tout étonné qu’on veuille le descendre… Je vous demande un peu !
Sa
décalcomanie la mieux vendue est le fameux Ryan Gosling : il est très mignon,
et parfaitement incolore, tel son maître adoré. Dans Crazy, stupid love (John Requa et Glann Ficarra, Etats-Unis,
Etats-Unis, 2011), il est (lui aussi), sauvé par ses costards, donnant des
leçons de chic amerloque à un quinqua déboussolé ; pour conquérir sa belle il
en est réduit à parodier le Patrick Swayz de Dirty dancing (Emile Ardolino, Etats-Unis, 1987)… Plutôt nul.
Certes ce dernier est devenu assez caricatural avec ses biscotos, ses lunettes
noires et sa bagnole déglinguée, mais au moins, lui occupait l’écran, et
emballait sans copier personne. Dans le sanguinolent Drive (Nicolas Winding Refn, Etats-Unis, 2011) ledit Gosling,
aphasique atteint au cortex cérébral semble à la limite de la débilité, quant
aux Marches du pouvoir (Georges
Clooney, Etats-Unis, 2011), il suit la voix de son maître tel un Jack Russel
endimanché. Il paraît que 2013 sera une grande année Gosling ! Croisons les
doigts !
Bref,
il y a ces tas de beaux mecs interchangeables, avec peu, voire pas du tout de
personnalité, tel le super bel Australien que Nicole Kidman s’envoie dans le
calamiteux Australia (Baz Luhrmann, Royaume-Uni/Etats-Unis/Australie,
2008). On se rappelle pas de leurs noms, ils ne font que passer, comme des
mannequins sur un podium, ont sans doute appris à emballer les filles en
cliquant sur leur portable, ou en prenant des cours d’érotisme sur tablette, ce
qui n’incite pas au confort. On n’arrive jamais à se souvenir de la tronche de
Colin Farrell ou de Ben Afflek (d’ailleurs interchangeables), Nicolas Cage
n’est crédible dans rien et vieillit mal, quant à la bande des grandes gueules
issues des Tolkien et autres Avatar (James
Cameron, Etats-Unis, 2009), on est infoutu de les situer tant ils appartiennent
à cette horde incolore des remplisseurs d’écrans en 3D.
Les générations précédentes ont eu la chance d’avoir Gary Cooper, Cary Grant, Clark Gable, Bogart et Gene Kelly, qui eux, occupaient l’écran et le terrain… Après nous nous sommes délectées - même le jour de la Journée de la femme - de Robert Redford, de Paul Newman, de Steeve, de Sean, de Clint, de Harrison, de Bruce, de John Travolta, surtout lorsqu’il commença à donner dans le tragique, et même de Sylvester et d’Arnold. Ah! Schwartzi dans True lies (James Cameron, Etats-Unis, 1994) !… Où est le joli Keanu Reeves des débuts ? Reste Gere, éternel molasson friqué, le vieux Keitel toujours bougon, Tim Roth qui fait de la télé. Les petits formats sont arrivés avec Tom Cruise et Di Caprio, dans l’espoir de plaire aux ados qui se sont pâmées aux premiers émois de Harry Potter. Décidement, dès que trentenaires, les femmes sont condamnées aux gigolos, à materner un type qui leur rappelle vaguement leur fils élevé sans père, aux chaussettes tire-bouchonnantes et à la conversation limitée aux SMS.
Que nous reste-t-il ? Hugh Grant le gentil, mais tellement fatigué, Colin Firth qui n’en finit pas d’être royal ou snob, Jonathan Rhys-Mayer, excellent dans Les orphelins de Huang Shi (Roger Spottiswoode, Etats-Unis, 2008), mais on a trop peur qu’il ne nous coupe la tête, trop imprégné de Tudor, Daniel Day-Lewis qui a depuis belle lurette abandonné sa Laundrette, les insurgés irlandais, l’Isabelle française, pour un Lincoln sérieux ? Certes il y a le magnétique et nordique Mikkelsen, mais vu ses rôles, il donne quelque cauchemar ; heureusement on a encore Jude Law, mais il se parfume trop pour ses inavouables rendez vous au Trocadéro. Quant à l’énigmatique Tony Leung il reste, dans sa japonaiserie, inatteignable et incompréhensible.
Du
côté français, qu’avons-nous à nous mettre sous la dent et dans nos rêves ?
Plus du tout ni Noiret, ni Auteuil, ni Depardieu, ni Dewaere, ni le magnifique
Delon, ni Giraudeau, ni l’insatiable Belmondo, ni plus jamais Piccoli devenu
pape - Habemus Papam (Nanni Moretti, France/Italie,
2011) ni l’émouvant Trintignant philosophiquement hors jeu : Amour (Michael Haneke,
France/Allemagne/Autriche, 2012). Eddy Mitchell vieillit bien, mais
tiendra-t-il le coup ? Cantona parle faux et préfère l’Angleterre se souvenant
des triples Hourras d’Arsenal. On aime bien Kassovitz surtout lorsqu’il est le
méconnu Héros très discret (Jacques
Audiard, France, 1996) mais il est trop intello, tout comme Berling ou Malavoy
; reste François Cluzet même sans bras ni chocolat, Gérard Lanvin, désormais
condamné à être chauffeur de maître dans presque tous ses films, Vincent Perez
est bien mais ne fait que d’ultra confidentielles pellicules, d’ailleurs assez
moyennes ; Romain Duris (petit format) est un acteur efficace mais a un vilain
rictus depuis que son cœur s’est arrêté ; Jacques Gamblin pense trop dans ses
rôles de joli cœur prolo. Quant à Guillaume Canet, il est toujours en train de
râler, et court tout le temps… Peut être vers l’Amérique ? Bon, voilà ; Clovis
Cornillac a un joli regard, et devrait chercher un rôle à sa hauteur. Tout cela
est « périssant d’ennui » comme disent les Québéquois et l’on comprend qu’Omar
Sy plaise autant, car lui, au moins, existe, bouge, s’exprime, est drôle, gai,
astucieux et bien vivant.
Quand
on pense que la plus belle femme de France - Carole Bouquet - en est réduite
dans Travaux (Brigitte Roüan,
Royaume-Uni/France, 2004) à s’envoyer
en l’air avec Castaldi, et surtout à recourir au très britannique Hugh Grant
pour s’entendre dire - enfin - que tout est « Beautiful », il y a de quoi
s’exiler définitivement… chez Poutine…
Ces propos n’engagent que leur auteur, et la liste de ces messieurs n’est pas exhaustive du tout (heureusement) : à chacun et chacune son rêve….
Françoise Thibaut
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