Alors que les IVèmes rencontres Droit et cinéma consacrées au « Vote à l’écran » (La Rochelle, juin 2011) viennent d’être publiées dans la revue Politeia http://www.revue-politeia.com/ (v. billet précédent), l’ouvrage Cinémas en campagne. De la chronique électorale à la fiction politique (Fage éd., 2012, dirigé par Jacques Gerstenkorn et Martin Goutte) nous invite à revivre quelques élections passées.
Nous
(re)découvrons ainsi « des documentaires en campagne » (p. 13), tel
le méconnu Sucre amer de Yann Le
Masson (France, 1963) relatif aux élections législatives dans la 1ère
circonscription de l’île de la Réunion opposant le parachuté Michel Debré,
ancien premier ministre, au candidat du parti communiste réunionnais, Paul
Vergès, où le spectateur « d’abord flatté dans son imaginaire exotique par
les belles vues sur l’île qui ouvrent le film et semblent annoncer un paisible
et pittoresque ‘docucu’, (…) voit cette jolie carte postale se muer, peu à peu,
en un véritable brûlot (…) » (p. 15), car note Martin Goutte :
« le Sucre amer de la culture de
canne désigne (…) l’objet même de l’exploitation dont l’île et ses habitants
sont les victimes, mais ce titre en forme d’oxymore dénonce surtout
l’insoutenable paradoxe d’un département – la Réunion, c’est la France – où la
République fait perdurer un système de type colonial ».
De même l’emblématique 50,81% devenu 1974, Une partie de campagne de Raymond Depardon (France, 1974), film de commande retraçant la campagne présidentielle 1974 de Valéry Giscard d’Estaing (p. 22-24), met l’accent sur le rôle de la musique dans les meetings ou lors de l’attente des résultats du second tour, depuis une fenêtre de l’appartement de fonction du ministère des Finances. Et si l’ancien président a finalement accepté la sortie du film en 2002, après s’y être longtemps opposé, il a proposé comme titre La victoire en chantant (p. 22)…
Quant au Président d’Yves Jeuland (France, 2010), il filme le dernier combat du vieux fauve Georges Frêche lors des élections régionales 2010 en Languedoc-Roussillon, captant « le suzerain de Septimanie » en « vieux crocodile (…) [jouant] de son apparence antédiluvienne pour mieux tromper ses proies et les saisir quand l’occasion se présente », en adepte de L’Art de la guerre de Sun Tzu (p. 45).
Si la plupart des contributions s’intéressent aux documentaires - oscillant entre la chronique électorale chère à Jean-Louis Comolli et André S. Labarthe, et le portrait du candidat en campagne, dont Martin Goutte estime qu’il est maudit en raison des interdictions de diffusion, des décès ou des défaites (p. 133) - quelques fictions sont néanmoins étudiées, au titre des « scènes politiques décalées » (p. 73 et s.), allant du Confort et l’indifférence de Denys Arcand (Canada, 1981) au Caïman de Nanni Moretti (France/Italie, 2006).
La conclusion s’impose dès lors comme une évidence sous la plume de Jacques Gerstenkorn et Martin Goutte : « (…) les affinités entre les champs cinématographiques et politiques sont franchement électives » (p. 4), le médium télévisuel n’ayant empêché ni les documentaristes - dotés de caméras numériques - ni les scénaristes d’apprivoiser l’animal politique, bien au contraire. Et clore une année électorale par le 7ème art, quel beau programme estival !
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