Les avocats ont la réputation d’être de bons (ou mauvais) acteurs, assumant pleinement leur rôle au cours du procès pour convaincre les juges du bien-fondé de la demande ou de la défense de leurs clients. De l’avocat/comédien à l’avocat au cinéma, il n’y a donc qu’un pas que le magistrat Christian Guéry a franchi pour le plus grand plaisir du lecteur cinéphile et/ou juriste.
Son ouvrage Les avocats au cinéma (dont nous avions signalé la parution dans un billet du 27 février 2011), préfacé par l’avocat Maître François Saint-Pierre, et qui paraît aux éditions PUF dans l’excellente collection « Questions judiciaires » (dirigé par notre collègue Frédéric Debove ) nous parle de façon équilibrée et passionnante - et comme son titre l’indique - à la fois de la profession d’avocat et de son traitement cinématographique, l’étude étant centrée presque exclusivement sur les cinémas américain et français.
L’auteur, qui est juge d’instruction, a une connaissance très pointue des deux justices - américaine et française - qu’il confronte par l’entremise des deux cinémas et des différentes figures d’avocats qui y sont représentées. En sept chapitres, Christian Guéry nous parle des films qui donnent à voir le rôle de l’avocat dans le procès (essentiellement pénal), des rapports qu’il entretient avec ses clients (et donc aussi avec l’argent), de ses rapports avec le juge, de ses obligations déontologiques … Au fil des lignes, on s’aperçoit que le juge Guéry aime les avocats, qu’il a une connaissance aigüe de la profession et de ceux qui l’exercent, et qu’il les considère avec respect, en tant qu’ils assurent la mise en oeuvre des droits de la défense, sans lesquels la justice n’aurait de justice que le nom.
L’auteur démontre une culture cinématographique encyclopédique, une multitude de films, et de séries TV, étant cités ; le tout agrémenté d’un appareil scientifique et d’une culture juridique qui fait de ce livre un outil indispensable pour celui qui s’intéresse au cinéma, au droit et à la justice. Ce livre donne véritablement envie de voir (ou de revoir) les films de Cayatte, Clouzot, Costa-Gavras, Decoin, Ford, Hitchcock, Lang, Lumet, Pollack, Preminger, et de bien d’autres réalisateurs encore … Ne manquent que deux films à l’appel, et pour cause, puisque ces films sont sortis trop tardivement pour que Christian Guéry puisse les évoquer : L’avocat (C. Anger, France, 2011) et La défense Lincoln (B. Furman, USA, 2011), adapté du roman éponyme de l'écrivain américain Michaël Connelly (Seuil, coll. Policiers, 2006).
A juste titre, l’auteur déplore que le cinéma français ne porte pas autant d’intérêt à la justice que le cinéma américain et lorsque, tel est le cas, que le cinéma français ne montre pas une image fidèle de la justice française, en plagiant la justice - et le cinéma - américains. Il est vrai que la procédure accusatoire est plus « spectaculaire » que la procédure inquisitoire, laquelle ne se prête pas aisément aux « films de prétoire ». C’est la raison pour laquelle, sans doute, le cinéma français préfère traiter de la justice à travers le film documentaire (v. par ex. les films de Raymond Depardon), plutôt que par le biais de la fiction.
Une chose est certaine en tout cas : qu’il s’agisse du cinéma américain ou du cinéma français, la plupart des films dont le personnage principal est un avocat ne nous décrivent pas le travail ordinaire et ingrat d’un avocat moyen. Tous les avocats au cinéma doivent faire face à des situations exceptionnelles, des injustices à combattre, des erreurs judiciaires à éviter, certains apparaissent comme indignes d’exercer la profession, tandis que d’autres sont de véritables héros … Comme le dit Christian Guéry à la fin du livre (p. 213) : « la malhonnêteté, l’anormalité d’un comportement font de biens meilleurs scénarios. L’avocat banal et qui fait son travail n’intéresse pas vraiment le cinéma. L’honnêteté ne peut être exaltée, elle peut seulement être pratiquée ».
Raimu dans Les inconnus dans la maison (H. Decoin, scén. de H.-G. Clouzot, d'après Simenon, France, 1942)
Charles Vanel dans La vérité (H.-G. Clouzot, France/Italie, 1960)
James Stewart dans Anatomy of a murder (Autopsie d'un meurtre, O. Preminger, Etats-Unis, 1959)
Paul Newman dans The verdict (Le verdict, S. Lumet, Etats-Unis, 1982)
Sommaire de l’ouvrage
Introduction
Chapitre I : L’avocat et l’enquête
Chapitre II : L’avocat et son client
Chapitre III : L’avocat et l’argent
Chapitre IV : L’avocat et ses juges
Chapitre V : L’avocat à l’audience
Chapitre VI : L’avocat et la morale
Chapitre VII : L’avocat, ce héros
Conclusion
Filmographie (films cités dans l’ouvrage)
Bibliographie (ouvrages cités)
Index des notions
Index des séries
Index des noms propres
Post scriptum
1) La couverture du livre de Christian Guéry est tirée du film de Claude Autant-Lara En cas de malheur (France, Italie, 1958), adapté d'un roman de Simenon.
2) Christian Guéry était l'invité de l'émission d'Antoine Garapon Le bien commun sur France culture le 30 juillet 2011 à 13 h. 30.
3) Liste, non exhaustive, de films à voir :
- Anatomy of a murder (Autopsie d'un meurtre), Otto Preminger, 1959
- L'avocat de la terreur, Barbet Schroeder, 2007
- Erin Brockovich, Steven Soderbegh, 2000
- The firm (La firme), Sydney Pollack, 1992
- Guilty as sin (L'avocat du diable), Sydney Lumet, 1993
- Les inconnus dans la maison, Henri Decoin, 1942
- Murder on a sunday morning (Un coupable idéal), Jean-Xavier de Lestrade, 2003
- The verdict (Le verdict), Sydney Lumet, 1983
- La vérité, Henri-Georges Clouzot, 1960
- Young Mister Lincoln (Vers sa destinée), John Ford, 1939
4) D'autres ouvrages de la collection "Questions judiciaires" (PUF)
- Les grands procès, D. Amson, J.-G. Moore, Ch. Amson, préf. J. Vergès, 2007
- Justice et littérature, J. Vergès, 2011
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Le blog Droit et cinéma : regards croisés part en vacances. A très bientôt.
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